CODEV- Entreprises et Développement : Présentation

L’objectif principal du programme « CODEV - Entreprises et Développement » est d’étudier dans quelle mesure et selon quels critères les entreprises peuvent contribuer au développement durable des zones où elles mènent des opérations, en particulier des zones de grande pauvreté et/ou de fragilité sociale.

L’enjeu de la recherche est double.


Comment mesurer de façon pertinente la contribution des entreprises au développement local et régional, ainsi que leur performance sociétale ?


Plus largement, vers quoi faire évoluer le modèle de création de valeur des entreprises, dans les pays émergents, pour prendre en compte des dimensions essentielles à leur pérennité dans un monde où s’accroissent les inégalités et où de nombreux besoins humains sont encore insatisfaits ?

Moyens et réalisations


La recherche s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire (philosophie, économie, sciences politiques, sociologie, management), qui effectue depuis 2004 des études de terrain en Asie, en Afrique et en Amérique centrale, selon une méthode d’enquêtes qualitatives et quantitatives. La responsabilité éthique des entreprises est évaluée par l’analyse des interactions entre les parties prenantes, ainsi que par la construction et la mesure d’un indicateur de la qualité du tissu social fondé sur l’approche des capacités (Sen – Nussbaum). Le programme a donné lieu à de nombreuses publications.

A travers le savoir faire reconnu de l’Institut IRENÉ en négociation et en formation, le programme vise également à faciliter la concertation entre les parties prenantes et développer des outils de formation des managers.

La responsabilité éthique des multinationales

Le Programme de Recherche s’appuie sur le travail réalisé depuis 2004 par Cécile Renouard, avec une équipe de chercheurs (français et locaux) auprès de filiales de grands groupes industriels – Total, Lafarge, Rio Tinto Alcan, Michelin, Unilever, Danone, Véolia – au Nigeria, Kenya, Ghana, Bangladesh, Inde et Mexique et sur la réflexion plus théorique concernant les différentes responsabilités des entreprises vis-à-vis du développement local[1].

Il comprend deux axes de recherche :

  • la responsabilité sociétale : l’entreprise dans son environnement naturel et humain

  • la responsabilité sociale : l’entreprise et ses ressources humaines

La responsabilité directe des entreprises concerne différentes dimensions : économique et financière, sociale (vis-à-vis des salariés), sociétale et environnementale, et politique. La philanthropie ainsi que d’autres engagements plus exceptionnels (en cas de catastrophe par exemple) sont importants, mais peuvent être considérés comme secondaires par rapport aux autres.

[1] Voir Cécile Renouard, La Responsabilité éthique des multinationales, PUF, 2007. Vingt propositions pour réformer le capitalisme, Flammarion, troisième édition, 2012 (codirigé avec Gaël Giraud). « Mesurer la contribution des entreprises au développement local : le cas des pétroliers au Nigeria », (avec G. Giraud), Revue française de gestion, 2010, vol 36, n°208-209, p.101-115 « CSR, Utilitarianism and the Capabilities Approach », Journal of Business Ethics, vol 98 (1), p.85-97, « L’éthique et les déclarations déontologiques des entreprises », Etudes, avril 2009, p.473-484 ; « L’intérêt économique aux prises avec la visée éthique : le cas de Rio Tinto Alcan au Ghana », Mondes en Développement, n°144, vol 36, 2008. « La Responsabilité sociale des multinationales spécialisées dans l’extraction des minerais et hydrocarbures », Journal du Droit International, avril-mai-juin 2008, p.485-496 ; « Economie sociale. San Ildefonso, projet de développement coopératif au Mexique », Etudes, Octobre 2007, p.309-318.

Les différentes dimensions de la responsabilité des entreprises

Indicateurs

Nous sommes en train de construire un indicateur de « capacité relationnelle » - en nous appuyant sur l’approche des capacités – capability approach – développée par Amartya Sen, Martha Nussbaum et des chercheurs en économie, philosophie et sciences sociales. Notre approche se situe dans le prolongement des travaux de l’OPHI (Oxford) et du PNUD autour des indicateurs de pauvreté multidimensionnelle (MPI) et d’exclusion (MSEI). Elle s’appuie sur une formalisation de la capacité des acteurs économiques à entrer en relation et à s’intégrer dans des réseaux sociaux et économiques. Elle vise à fournir un indicateur de développement social permettant de mesurer la qualité des réseaux auxquels les populations étudiées ont accès. Cet indicateur a vocation à fournir une mesure de la performance sociétale d'une entreprise afin d'aider une multinationale à optimiser les « bénéfices » sociétaux de sa présence, aussi bien au plan local que régional.

Ainsi, les recherches effectuées au Nigéria depuis 2007 à propos des actions sociétales menées par Total dans le delta du Niger ont mis en évidence, à travers deux indicateurs de « pauvreté multidimensionnelle » et de « capacité relationnelle », les apports de l’entreprise en termes de qualité de vie matérielle autour des sites de production et les défis liés à l’amélioration du tissu social dans un contexte marqué par la corruption, le clientélisme et l’augmentation des inégalités. Elles ouvrent à la mise en œuvre de nouveaux modèles de gouvernance aussi bien que de contribution de l’entreprise au développement territorial.

Méthode

Nous menons des enquêtes de terrain selon deux approches complémentaires.

  • Enquêtes qualitatives destinées à évaluer deux dimensions :

    1. L’intégration des activités de l’entreprise dans son environnement : relations avec les parties prenantes (sous-traitants, consommateurs/clients, communautés locales, etc.) ; transformation des réseaux sociaux ; programmes mis en œuvre pour minimiser les dommages collatéraux et contribuer positivement au développement socio-économique local et régional.

    2. La gouvernance territoriale et les enjeux de la contribution de l’entreprise à un développement territorial durable, tout particulièrement dans des marchés complexes.

  • Enquêtes quantitatives afin de préciser l’évaluation des effets de l’activité de l’entreprise sur son environnement social :

    1. Mesure de la qualité de vie : comment les actions menées - directement et indirectement - par les entreprises, en partenariat éventuel avec des pouvoirs publics, ONG, agences de développement, etc., contribuent à accroître le bien-être des personnes - leurs conditions de vie matérielle, leur sécurité, leur accès à la santé, à l’éducation, à des infrastructures et services divers – et leurs capacités à prendre part à la vie publique. Nous sommes également attentifs à l’évaluation des inégalités engendrées par les programmes de développement dans la distribution des biens sociaux.

    2. Mesure de l’empowerment des personnes et des groupes, notamment par l’indicateur de capacités relationnelle.

    3. Des « expériences naturelles » sont conduites, analysées et interprétées dans des pays du Sud autour de sites d’extraction et de production de grands groupes du CAC40. L’analyse micro-économétrique met l’accent sur les techniques développées par Heckman pour réduire les biais induits par les inévitables compromis de randomisation.